Il est des instants dans la vie d’un art où la mutation s’impose avec nécessité. Dans ces instants, ceux qui savent ce qui doit être dit doivent le dire. Alors je m’en charge et j’affirme qu’il est venu le temps pour « le cinéma » de changer de genre. Afin de s’épanouir pleinement et finalement dans le concert des arts, « LE CINÉMA » doit devenir LA CINÉMA.
On pourrait d’abord s’étonner, toi et moi, que depuis bientôt treize décennies, « le cinéma » ait conservé son appellation originelle et masculine qui détonne parmi les autres formes de création qu’on baptise au féminin. Alors, oui cette singularité n’est pas un drame, mais cela en fait tout de même un art à part. Le dire au féminin serait donc une manière de l’inclure et ainsi de le soustraire à sa masculinité grammaticale toxique.
Ce n’est pas qu’une question de genre. C’est aussi une question de justice. Est-il digne de continuer à confondre « le cinéma » à son signifiant technique ?
Non. Car, depuis, le cinématographe a développé la cinématographie. Dès lors, sur le modèle sémantique de « la photographie », il nous faut réinvestir le signifiant « la cinématographie » pour faire de lui le terme qui recouvre l’art cinématographique. Alors « la cinématographie » abrégé en « la cinéma » s’impose pour désigner le septième art.
Laissons à Auguste et Louis ce qui appartient à Auguste et Louis, à savoir le cinématographe. Avec tout le respect que j’ai pour ces braves lyonnais, ce ne sont pas des artistes. Ils ne doivent donc pas être tenus responsables d’Antonioni, Fellini, Godard, Boon, Audiard, Bay, Pialat, Chaplin, Zidi, Triet, Lang, Honoré, Truffaut, Poiré, Kubrick, Bourboulon, Demy, Anderson(s), Sorrentino, Robert, Scorcese, Rohmer, sans oublier Nakache, Toledano et PEF. Qui d’entre eux a alors inventé la cinéma ? Ce n’est pas à moi de le dire. Peut-être à Thierry Frémeaux ou même un autre Thierry.
Ce n’est qu’un déterminant me direz-vous. Oui, mais c’est déterminant !
Ce projet dépasse les réflexions sémantiques d’un sémio-ciné-phile, elle concerne l’ensemble de la société. C’est un débat que nous (dont le nombre de partisans ne cesse d’augmenter) devons porter partout. Inévitablement, il finira par enflammer d’angoisse wokisée les plateaux de CNEWS. Faire sourciller Pascal Praud et ses chroniqueurs (notamment le Québécois rigolo) serait déjà une première étape. Un déplacement salutaire du débat. Et peut-être, nous continuerons. Peut-être ce changement sémantique nous portera vers une nouvelle cinéma. Nous voici devant l’histoire. Réalisateurs, réalisatrices ! Comédiens, comédiennes ! Professionnels de la profession ! Rejoignez la lutte. Il nous faut une nouvelle nouvelle vague. Une vague d’espoir pour le renouveau « du cinéma » qui a besoin qu’on le redéfinisse en profondeur.
L’année prochaine, en 2025, iel fêtera ses 230 ans. Et tout cela a trop durer. Faisons en sorte que 2025 soit la première année de la cinéma. Ce changement de déterminant nous amènerait à repenser l’idéal cinématographique. Peut-être que les problématiques qui traversent le septième art s’en trouveraient réglés comme par enchantement. Ce changement mènera t-il a une scission entre deux arts qui seraient le cinéma et la cinéma ? C’est en tout cas une idée plus alléchante qu’inquiétante.